« Vive l’extrême gauche ! » (Chronique de Michel Visart)

Si péril il y a aujourd’hui chez nous en Europe comme aux États-Unis, c’est bien de l’extrême droite qu’il vient. Et pas de l’autre côté

Paru dans La Libre le 04 février 2025.

Vous, je ne sais pas, mais moi j’ai comme une boule dans le ventre. Une petite boule qui devient de plus en plus grande ces dernières années, ces derniers mois, ces derniers jours. Une boule faite de peur, d’inquiétude croissante et de colère. Or je peux vous l’assurer, je n’ai guère de violence tapie dans mes tréfonds.

Quand j’ai été sollicité par La Libre pour tenir cette chronique, il m’a été demandé « d’assumer une position forte ». Pas évident quand on est un fervent absolu de la nuance dans un monde qui en a de moins en moins. Ceci écrit, pas besoin de me forcer, pour une fois : la nuance à la poubelle !

Pourquoi ce coup de gueule ? Tout simplement parce que la situation est grave et qu’elle pourrait l’être de plus en plus si nous continuons à fermer les yeux à double tour, voire à les ouvrir avec bienveillance là où il faudrait juste les écarquiller d’effroi. Je n’exagère pas, soyez-en certain !

Liberté

N’étant ni politologue, ni historien, ni prétendu spécialiste de quoi que ce soit, c’est en tant que citoyen que j’écris. Un citoyen qui a toujours été très heureux de remplir son devoir électoral dans un pays démocratique où l’exercice de la liberté dans le respect des droits fondamentaux de chacun est une valeur absolue. Heureusement, il ne faut pas encore utiliser l’imparfait.

Voilà une petite phrase apparemment anodine glanée sur un réseau social bien connu : « Trump me fait peur. Mais est-il démocratique de manifester contre quelqu’un qui a été élu démocratiquement ? ». Mais non évidemment, cher Monsieur, votre raisonnement est bref mais inattaquable. Les Américains ont eu le choix, des primaires au jour J. Tout est en ordre, rien n’a perturbé ce que l’on ose encore appeler la plus vieille démocratie du monde. Les tombereaux de billets verts, les mensonges plus énormes les uns que les autres, les injures, les fake news à la pelle, tout cela est anecdotique et encore plus sans doute le fait que le nouveau locataire de la Maison Blanche est un multi-condamné. Comme le disait en son temps un ministre de chez nous : « Tout va bien ».

À tribord, toute !

Laissons donc les Américains baigner dans l’euphorie, c’est leur affaire. Enfin, presque. Chez nous, en Europe, tout va bien aussi. Il pleut un peu trop, les prix augmentent, l’Ukraine n’est pas loin, pas de quoi se prendre la tête. Politiquement tout roule aussi. Prenons au hasard quelques exemples : en Italie, comme me le disait récemment un ami, Georgia Meloni fait du bon boulot avec deux partis accueillants, Fratelli d’Italia et la Lega. En Autriche le sympathique Herbert Kickl du FPÖ mène le bal. En Allemagne (oui en Allemagne !) les conservateurs se sont alliés avec l’AfD pour faire voter un texte durcissant la politique migratoire. Aux Pays-Bas, en Finlande et en Slovaquie, l’extrême droite est au gouvernement. En France Le Pen approche de l’Elysée. Sans oublier évidemment l’ineffable Viktor hongrois un démocrate de premier choix.

Appelons un chat, un chat. Un extrémiste, un extrémiste. Si péril il y a aujourd’hui chez nous en Europe comme aux États-Unis, c’est bien de l’extrême droite qu’il vient. Et pas de l’autre côté ! Arrêtons de mettre systématiquement sur le même plateau extrême gauche et extrême droite. Intellectuellement et historiquement, on peut en discuter mais politiquement et honnêtement, affirmer que l’extrême gauche est actuellement menaçante chez nous est un mensonge, voire une manœuvre. Que pèse-t-elle ? Par contre, dans le langage et les prises de position de certains, tout démontre la dérive continue et parfois inconsciente vers le bout du bout de la droite.

Alors oui je suis inquiet, oui je suis en colère, oui j’ai peur. La menace est une réalité. L’équilibre gauche-droite est sain pour une démocratie. Ajoutez-y le mot « extrême », même en non-dits, et c’est foutu. Voilà pourquoi, outre qu’elle ne m’inquiète pas aujourd’hui, je dis « Vive l’extrême gauche ». Je ne vote pas pour elle mais j’y entends encore des mots comme solidarité et justice pour tous. Terminons sur cette si belle devise : « Liberté, égalité, fraternité ».