SUR LE TERRAIN – Une journée à la Porte d’Ulysse

Après avoir passé une journée au hub humanitaire et à la Sister’s House,
Julie s’est rendue cette semaine à la Porte d’Ulysse, notre centre d’hébergement.

La Porte d’Ulysse, le dispositif d’hébergement d’urgence de la Plateforme Citoyenne, permet en temps normal de mettre à l’abri 350 personnes chaque nuit et de leur leur offrir deux repas, un accès à des facilités sanitaires ainsi qu’une orientation vers  divers services psycho-médico-sociaux.

 

 

À la suite de l’intervention des autorités et à la décision de la ville de Bruxelles de fermer le parc Maximilien, qui a privé quelques centaines de personnes de leur lieu de refuge habituel et en raison du confinement généralisé, les activités de la Porte d’Ulysse ont dû être adaptées. Le fonctionnement du dispositif a été complètement repensé et de nouvelles dispositions sont entrées en vigueur. Par mesure de sécurité sanitaire et dans le respect de la distanciation sociale, la capacité totale a progressivement été revue, pour  atteindre une capacité de 240 personnes. Fonctionnant habituellement en dispositif de nuit uniquement, appelé “12/24”, le centre fonctionne désormais 24h/24.

 

Le bâtiment situé sur le site du Bluestar à Haren compte 7 étages, dont 5 aménagés en dortoirs. Le rez-de-chaussée accueille le réfectoire, la cuisine, la bagagerie et les bureaux des équipes. Le 7ème étage, quant à lui, a été aménagé en buanderie grâce à de généreux dons de machines à laver et séchoirs, reçus entre autres par ADRA, une ONG partenaire de la Plateforme Citoyenne. Les deux cours, situées à l’avant et l’arrière du bâtiment, ont été réorganisées afin de délimiter le périmètre de sécurité au sein duquel sont confinés les résidents, dont quelques-uns s’attroupent autour de la table de ping-pong installée à l’arrivée des beaux jours.

 

 

Vincent, coordinateur à la Porte d’Ulysse, nous explique :“Les circonstances exceptionnelles dans lesquelles nous avons dû évoluer ces dernières semaines ont été l’occasion pour les équipes de se serrer les coudes. Les bénévoles, déjà très nombreux, ont été rejoints par de nouveaux bénévoles souhaitant nous soutenir dans les nombreuses tâches à accomplir ainsi que dans l’encadrement et l’accompagnement des résidents. Le confinement aura eu ceci de positif qu’il nous aura permis de mieux identifier les résidents plus vulnérables afin de leur proposer un accompagnement plus pertinent. 

 

Mais cette nouvelle cohabitation n’a pas été de tout repos. : “il a fallu repenser et réorganiser la vie en communauté dans un environnement où cohabitent plusieurs ethnies. Ensemble, Érythréens, Syriens, Soudanais, Éthiopiens, orthodoxes, catholiques et musulmans coexistent malgré la barrière des langues, les différences culturelles et cultuelles” et de remarquer que “de manière générale, le passage en 24/24 a permis une meilleure participation des résidents tant dans les tâches quotidiennes qu’à la préparation des repas”. 

 

 

Un bel exemple fût le repas de la fête de Pâques orthodoxe, marquant la fin du carême, préparé par une équipe de résidents éthiopiens et érythréens pour toutes les personnes du centre mais aussi pour les 200 compagnons de route logés dans les 2 hôtels bruxellois ouverts dans le cadre la lutte contre la propagation du Covid19. Quelques jours plus tard débutait le mois du ramadan, respecté par près de la moitié des résidents du centre, également généreux prétexte à la préparation de repas traditionnels du Moyen-Orient.

“Cuisiner pour une si grande famille demande beaucoup de travail et d’organisation” nous raconte Latifa, cuisinière à la Porte d’Ulysse depuis près de 2 ans. “En général, les repas sont préparés et cuisinés grâce à la précieuse présence de bénévoles et en fonction des dons que nous recevons”. Depuis le passage en 24h sur 24, et l’ajout du repas de midi, les horaires ont dû être repensés et il a fallu augmenter la fréquence du nettoyage de la cuisine, du réfectoire et des communs, sans oublier “d’organiser les repas de telle façon à ce qu’il n’y ait pas trop de personnes dans le réfectoire en même temps pour respecter la distanciation sociale”.

 

Comme dans les autres dispositifs de l’asbl, nous pouvons compter sur  la présence des partenaires et des différents pôles de la Plateforme pour améliorer la prise en charge des personnes confinées. Médecins sans Frontières est pour l’instant présent sur site afin de monitorer et contribuer à la mise en place des mesures de prévention liées au coronavirus, mais aussi pour former les bénévoles à une meilleure compréhension des gestes barrières dans le contexte particulier des centres d’hébergement. Médecins du Monde est présent une fois par semaine afin d’assurer une permanence médicale et permettre une meilleure orientation des cas suspects de Covid19 vers le dispositif médical avancé, fruit d’une collaboration entre le Samusocial, Médecins Sans Frontières et la Plateforme Citoyenne.

 

“Au début de la crise, les propositions de bénévolat ont afflué mais les nouvelles énergies étaient plus que bienvenues” ajoute Vincent, “d’autant que nous avions parmi nos bénévoles permanents plusieurs seniors qui, faisant partie de la catégorie considérée comme étant « à risque », n’ont plus plus venir. Cela a été particulièrement difficile de devoir leur annoncer que nous ne nous les reverrions plus avant la fin du confinement et nous en profitons d’ailleurs pour leur dire qu’ils nous manquent beaucoup et que nous sommes impatients de les revoir parmi nous”. 

“La Porte d’Ulysse”, conclut Vincent, “est un laboratoire à taille humaine où se côtoient ONG, bénévoles ponctuels ou quasi-permanents et voyageurs du monde entier”. Et après un peu plus d’un mois de confinement, l’ambiance y est au beau fixe et les équipes semblent encore et toujours prêtes à surmonter tous les défis.