Ce jeudi 2 mai, les parlementaires fédéraux voteront pour ou contre le projet de loi Frontex, déjà approuvé par le Conseil des ministres fin mars. Ce texte permettra à « l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes » d’agir sur le territoire belge : renforcer la police lors des expulsions forcées et effectuer des contrôles frontaliers, dans les aéroports, les ports, la gare de Bruxelles-midi et son terminal Eurostar. Au lendemain de l’adoption du Pacte européen sur la migration et l’asile, qui consacre le tri et la détention des demandeurs d’asile aux frontières européennes, ce projet de loi porté par le gouvernement nous alarme.
Dans ce texte, les compétences attribuées au personnel de Frontex sur le territoire et aux frontières de la Belgique sont très floues. Elles n’excluent pas la possibilité pour un agent de Frontex de procéder à des arrestations lors de contrôles dans la rue, dans les transports publics, à la sortie d’un centre d’accueil, par exemple. La présence d’un fonctionnaire de police à ses côtés est évoquée, mais sans empêcher que l’agent de Frontex puisse agir seul pour prendre des « mesures urgentes ». Dans son avis sur ce projet de loi, le Conseil d’État avait soulevé ce point, considérant que le respect des droits fondamentaux des personnes était en jeu. Le COC, Organe de contrôle de l’information policière avait aussi émis des réserves sur les missions de Frontex sur le territoire belge. Le gouvernement a choisi de ne pas tenir compte de ces avis, pourtant autorisés…
En outre, le projet de loi ne fait aucune mention de la responsabilité civile des agents de Frontex en cas de dommages causés à des personnes ou à des institutions pendant leurs missions. C’est d’autant plus problématique qu’il n’existe pas de véritable mécanisme de plainte concernant les agissements de Frontex. Le risque d’impunité en cas de violations des droits fondamentaux est donc élevé et devrait inquiéter les parlementaires. D’autant que l’histoire de Frontex est déjà peu reluisante. L’agence a été reconnue responsable de «pushbacks», refoulements illégaux d’embarcations de migrants, en mer Egée, en Méditerranée et en Europe de l’Est.
Elle collabore avec les garde-côtes libyens, coupables de tortures, de viols, de travail forcé… en leur facilitant l’interception de barques de migrants. Les parlementaires ne peuvent ignorer ces faits documentés, qui sont de notoriété publique. C’est donc en connaissance de cause qu’ils et elles voteront pour ou contre un texte permettant le déploiement sur le territoire belge d’une agence accusée d’actes illégaux et de traitements inhumains, dont l’action est centrée sur la détention, l’expulsion et la criminalisation des personnes exilées, et qui porte la responsabilité de milliers de morts en Méditerranée.
Le gouvernement Vivaldi a été un des pires que nous ayons connu sur les questions migratoires, de respect des droits humains et de l’État de droit. Politique assumée de non accueil des demandeurs d’asile, refus d’exécuter des décisions de justice belges et européennes, mépris de la situation des sans papiers, détention et refoulements de personnes en ordre de visa…
Un vote en faveur de cette loi serait la touche finale à une législature qui se sera honteusement distinguée et que nous n’oublierons pas.
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